Le vin est souvent défini comme le résultat de la fermentation alcoolique, transformant le sucre du moût de raisin en alcool du vin, sous l’action de levures. Normalement, à l’issue de cette fermentation, le vin ne contient plus de sucre. Mais il existe des types de vins où sucre et alcool cohabitent, et d’autant plus harmonieusement qu’ils résultent de choix délibérés du vigneron …
Il y a tout d’abord les cas où, avant toute fermentation (avant que les levures n’aient entamé la moindre transformation du sucre en alcool), une certaine quantité d’alcool est rajoutée d’emblée au moût de raisin – quantité précisément calculée pour assurer l’équilibre recherché entre sucre et alcool. Certes, les boissons obtenues n’ont pas – du moins en France – le droit de s’appeler « vin », et ont nom « mistelle » … Mais, qui niera que les « pineau » des Charentes, « floc » de Gascogne, « carthagène » du Languedoc, « grenache » du Roussillon, « ratafia » de Bourgogne ou de Champagne, et tous leurs frères vineux que j’oublie, ne sont pas en quelque manière des fruits de la terre et du travail des hommes ? …
Il y a ensuite les cas où, sans intervention extérieure, le processus de fermentation alcoolique s’arrête – laissant en présence dans le vin sucre et alcool (cet alcool résultant donc de la transformation du sucre des raisins vinifiés). Ce phénomène se produit lorsque la concentration en sucre dans les baies de raisin a atteint au préalable un niveau tel que les levures ne peuvent entièrement consommer ce sucre pour le transformer en alcool. Ceci résulte de conditions de maturation dans lesquelles le vigneron exagère la maturité, accroît la la richesse en sucre des raisins au moyen d’artifices – c’est à dire d’actions délibérées étrangères au processus naturel de maturation des baies de raisins. Il en est ainsi des vins dits « liquoreux » – obtenus par intervention de la « pourriture noble » qui en particulier concentre les sucres dans les baies de raisin (ainsi des Sauternes et Barsac, des Jurançon, des Coteaux du Layon, des Vouvray et Montlouis, des « sélections de grains nobles » d’Alsace, des Tokaji de Hongrie). Et il en est ainsi des vins obtenus par « passerillage », lorsque les grappes de raisin subissent une dessiccation partielle avant fermentation, soit sur souches (« vendanges tardives » d’Alsace, Pacherenc du Vic Bilh), soit après récolte et conservation sur des clayettes (on citera, parmi les plus célèbres vins résultant de ce procédé, le « Passito di Pantelleria », produit depuis l’antiquité sur l’île volcanique de Pantelleria située entre la Sicile et la Tunisie).
Il y a enfin les cas où, après le démarrage de la fermentation – et au moment choisi par le vigneron pour figer l’équilibre entre sucre et alcool, on rajoute une quantité d’alcool dans le vin en cours de fermentation. Les vins obtenus ainsi sont appelés en France « vins doux naturels » (Banyuls, Maury, Rasteau, Muscat de Rivesaltes, de Saint-Jean-de-Minervois, de Frontignan, de Lunel, de Beaumes de Venise), mais le plus connu d’entre eux mondialement reste le vin de Porto.
In fine, tous ces vins ont en commun de démontrer par leur existence même, et par l’agrément que leur dégustation et leur consommation nous procure, combien le vin est autant objet de culture que fruit de la nature !