Les rives des grands fleuves sont terroirs d’élection pour la vigne. Le Rhin ne fait pas exception : depuis le lac de Constance, à la frontière entre l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche, jusqu’à Bonn, le vignoble campe sur les deux rives.
Pour la partie française, les vignoble alsacien s’étend sur une centaine de kilomètres depuis Strasbourg au Nord jusqu’à Thann près de Mulhouse, au Sud dans une bande d’une quinzaine de kilomètres de largeur. Dominant la plaine d’Alsace, cette ligne de terrasses, profite d’une protection naturelle, le massif des Vosges, qui accentue les bénéfices d’un ensoleillement favorable. L’aire d’appellation s’étend sur 15 400 ha et la production moyenne (2002 – 2006) est de 1 150 000 hl par an; soit une superficie correspondant à un peu moins de 13% de celle du vignoble bordelais pour un volume de production d’un peu plus de 19%.
Cépage | Climat | Sols (description simplifiée) | Les appellations |
Outre sa forte productivité le riesling présente l’avantage d’être peu sujet à la coulure. Cépage tardif il se satisfait du climat alsacien pour mûrir lentement. Il occupe 22% des surfaces du vignoble (43% en Alsace grand cru) pour un production de même ordre. Toutefois il ne donne sa pleine mesure que lorsque son rendement est maîtrisé ! | Continental. La région bénéficie d’un excellent ensoleillement et d’une pluviosité réduite grâce à l’écran protecteur du massif des Vosges. | La région se divise en trois grandes zones : les montagnes, les contreforts et les plaines. Les meilleurs sites sont à flanc de coteau, sur des sous-sols calcaires recouverts d’une couche arable où l’argile marneuse se mêle au grès. | Alsace : cette appellation peut être suivie de l’un des cépages autorisés. Dans ce cas le vin est vinifié exclusivement à partir des raisins de ce cépage. Alsace Grand cru : mention obligatoirement suivie d’un des quatre cépages nobles autorisés (riesling, pinot gris, muscat, gewurztraminer) et du nom d’un des cinquante grands crus officiels. Alsace vendanges tardives ou Sélection de grains nobles : appellation délivrée après dégustation (chaptalisation interdite). Crémant d’Alsace : vins effervescents élaborés selon des techniques identiques à celles du champagne. Edelzwicker : vin d’assemblage de cépages blancs. |
Les terroirs de l’appellation
Dans le monde des AOC l’Alsace fait figure d’exception. Malgré une aire de production très diversifiée géologiquement le terroir alsacien s’est longtemps effacé devant la mention du cépage.
Ainsi le vignoble alsacien semble particulièrement adapté pour reprendre la controverse vin de cépage versus vin de terroir.
* Ses sols et sous-sols sont chargés d’histoire. A l’origine, l’effondrement il y a cinquante millions d’années d’un ancien massif qui courait des Vosges à la Forêt Noire a laissé place au Rhin, à la plaine d’Alsace et aux collines sous-vosgiennes. Les sols sont composés de granite, de grès, de schistes, de parties volcaniques et de toute la variété possible des argilo-calcaires. Et le riesling cépage caméléon change de visage au grè des terroirs.
* Ses cépages ont une renommée mondiale et, sur les étiquettes des grands crus, il est la plupart du temps mentionné avec le climat concerné. Le riesling notamment est vinifié avec plus ou mois de bonheur en Autriche, en Italie, en Europe de l’Est aux Etats Unis ainsi qu’aux Antipodes.
Bon sens issu de générations de viticulteurs, évidence géographique, l’apparente contradiction est aisément résolu par nombre de vignerons qui proposent plusieurs types de vins :
* Des vins de cépage à boire jeunes, élaborés sur des terroirs moins marquants (sablonneux, granitiques ou schisteux). Le vigneron met ici tout en oeuvre pour capter et conserver en bouteille un fruit mûr qu’il aura pris soin de préserver de la pourriture et des traitements violents comme celui de la machine à vendanger.
* Des vins de terroir (André Ostertag parle de vins de pierre), élevés plus longtemps et généralement taillés pour la garde. L’objectif du vigneron est plus complexe, puisqu’il s’agit de restituer dans le verre l’apport du sol.
* Enfin les derniers mais pas les moindres, les nectars réalisés avec la contribution de la pourriture noble : vendanges tardives et sélections de grains nobles (dont les règles de production ont été consignées en 1983). Compte tenu de l’épaisseur de sa peau le riesling est moins concerné. Son enveloppe le protège du botrytis cinerea qui pour concentrer sucres et acides insère ses filaments au coeur du grain et en retire l’eau. Toutefois lorsque le champignon parvient à ses fins le résultat est souvent grandiose.
Le riesling …
Ce cépage est capable de restituer dans toute leur complexité les moindres nuances de ces terroirs lorsque les rendements sont contrôlés et la maturité du raisin suffisante ( !).
Il se présente dans une robe limpide brillante, jaune avec des nuances vertes dans sa jeunesse et plus dorées dans sa maturité.
Au nez il exhale des arômes terpéniques (linalol, géraniol) que l’on retrouve à un autre niveau de concentration dans le gewurztraminer ou le muscat. Elégance se caractérise dans sa jeunesse par des odeurs de pêche ou de tilleul. Au vieillissement le riesling évolue vers les notes minérales (goût de « pétrole »). J’ai encore en mémoire une dégustation en juin 1999 au cours de laquelle on nous a proposé un Riesling grand cru Kirchberg de Ribeauvillé (Louis Sipp) qui développait au nez des notes de miel de champignon et une dominante minérale et offrait une bouche ample et élégante.
Des terroirs …
A titre d’indication on peut distinguer les terroirs en fonction de leur impact, leur empreinte sur les vins :
* Granitiques : vins aromatiques, acidité moyenne (Kaefferkopf à Ammerschwihr).
* Calcaires : citronnés puis aux notes de pétrole, finesse et acidité longue (Kirchberg de Barr).
* Marneux : beaucoup de puissance, poivre et iris (Osterberg à Ribeauvillé). Les terroirs marno-calcaires combinent puissance et acidité pour former des vins taillés pour la garde.
* Gréseux : nerveux, moins aromatiques jeunes, les vins développent avec le temps des notes épicées complexes (Kessler de Guebwiller). Marno-gréseux : à la marne qui apporte la charpente, le grès ajoute nervosité et complexité; jeunes les vins s’exprime peu (notes minérales) et prend de l’ampleur au vieillissement (Pfersigberg d’Eguisheim)
* Argileux : rêches, presque tanniques.
* Schisteux : longilignes, austères.
* Volcaniques : amples, arômes fumés.
A ces combinaisons s’ajoutent aussi certains terroirs originaux qui mêlent les influences :
* Le Rangen de Thann, volcanique.
* Le Kastelberg sur schiste.
* Le kanzlerberg sur gypse.
* Le Schoenenbourg (argilo-marneux-gypse)
Les millésimes
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En conclusion …
Une mosaïque de terroirs, un cépage caméléon, … soit au final une grille de lecture particulièrement complexe dont il convient de tirer deux leçons. En premier lieu, la construction de sa grille d’analyse passe par la dégustation, alors à vos travaux pratiques.
Et enfin, une parole de vigneron, « je crois que dans le vin il n’y a qu’une seule vérité : c’est celle de la bouteille vide ! ».
[ref bibliographiques : RVF n°411 mai 1997 article de B. Burtschy]